J'aurais voulu être espion, mais il fallait avaler des microfilms et mon médecin me l'a interdit.

Ca dégénérait. Ca dégénérait même fortement. Grace sentait que sa patience s’étiolait doucement face aux remarques acerbes d’Alexia, Lily et Andras. Suite au léger pétage de câble de Ted et Grace, Lily fut la première à partir, Alexia la seconde, Andras le troisième. Alexia s’attira d’ailleurs un regard meurtrier de sa sœur, un regard qui voulait tout dire. La Gryffondor n’avait pas intérêt à la ramener ou à ouvrir sa gueule devant la prof, sinon elle en prendrait pour son grade. La Harpie posa ses mains sur la table, paumes collées au bois, et elle ferma les yeux en lâchant un très long soupir excédé. Bien sûr, elle entendait parfaitement Malcolm et Dominique qui donnaient leurs avis mais … Ca lui passait au-dessus de la tête. Elle n’avait qu’une envie, c’était choper sa sœur au collet et lui coller des baffes pour lui apprendre le respect du à ses enseignants. Elle n’avait pas à faire ça avec Lily. Ginny et Harry se débrouilleraient avec l’emmerdeuse leur servant de fille, mais si sa sœur revenait devant elle, elle allait franchement morfler. Tous les élèves reprirent la parole, disant qu’ils restaient, ne faisant pas broncher la prof de sortilèges qui essayait de calmer ses envies de tuerie. Elle finit par lever les mains en signe d’abandon, recula, et se laissa tomber sur un pouf sans la moindre grâce, faisant tinter ses bracelets en argent. Après un léger temps de flottement, vu qu’elle ne faisait pas mine de se relever, le professeur de botanique se racla la gorge, les sourcils froncés, et s’avança vers l’assemblée d’élèves vautrés sur leurs poufs pour prendre calmement la parole, tentant de calmer les esprits échauffés, autant ceux des élèves que ceux des professeurs.

« Notre force fait notre unité. Trois personnes viennent de quitter nos rangs, les mangemorts ont eu exactement ce qu’ils désiraient. Nous diviser afin de mieux régner, créer la discorde dans un groupe qui essaye tant bien que mal de rassembler la paix. S’il vous plaît, calmez-vous, et ne leur tenez pas rigueur de ce qu’il se passe, ils pensent faire le bon choix en nous quittant, ils pensent agir de leur plein gré mais la propagande mangemort les touche. Il est regrettable que la fille du Survivant soit l’instigatrice de ce mouvement de panique, mais c’est ainsi. Elle n’est pas son père, on ne peut pas lui en vouloir. »

Grace était immobile. Les yeux fermés, elle se massait les tempes en imaginant sans peine le professeur qui essayait de rassembler à lui toutes ces âmes révoltées ou indignées. Il réussirait là où elle avait échoué. Il était calme, il était un héros de l’ancienne guerre, et elle, trop impulsive, trop en colère, elle n’avait réussi qu’à les faire partir. Le départ de ces trois élèves, c’était sa faute, et exclusivement sa faute.

« Mais réfléchissez une seconde. S’ils essayent de nous séparer, c’est parce qu’on leur fait peur. S’ils veulent frapper un grand coup, c’est parce qu’ils ont peur de nous. Ils veulent se débarrasser de nous pour ne plus avoir personne en face d’eux. Notre réponse c’est l’unité. En étant unis, on pourra les surveiller et les empêcher de nous nuire. Mettre les mangemorts sous les verrous. »

La prof rouvrit les yeux et se releva avec fluidité pour aller se mettre aux côtés des autres professeurs. Londubat se tourna pour la fixer, et recula pour lui laisser la parole. Vu qu’elle avait lancé le débat, il semblait logique qu’elle le referme, du moins c’est ce que devait penser le prof. Grace haussa les épaules et avança vers la table, pas pour s’y appuyer mais pour s’y asseoir, cette fois-ci, croisant ses jambes et posant ses paumes sur le bois, très calme.

« Hrm hrm. Comme je disais, Grace à un membre de l’Ordre qui s’est ‘perdu’ dans les couloirs du ministère de la magie, nous avons pu apprendre récemment que les mangemorts comptent planifier une grosse attaque le jour d’Halloween. Quelques jours plus tard, on reçoit des tracts comme quoi un organisme indépendant fait une grosse fête dans les catacombes de Londres pour Halloween, cela va sans dire que ce sont des mangemorts, et que l’Ordre va s’y jeter la tête la première pour essayer d’en débusquer plus d’un. La direction de l’école ayant décidé d’y amener les élèves, tous les élèves … Cela va sans dire que les élèves catégorisés pro-phénix seront abattus avec les autres si on ne fait rien, pendant que les pro-mangemorts en réchapperont mystérieusement. »

Grace replaça une mèche derrière son oreille avant de tourner la tête vers Meghan.

« Miss Prewett, pourriez-vous éteindre cette cigarette, s’il vous plaît ? »

Calme, douce, gentille. ALORS ON OBEIT ALLEZ HOP.

« Bref, la question que tout le monde se pose est qu’allons-nous faire ? Malheureusement, rien, les mangemorts ont en permanence plusieurs coups d’avance sur nous. Nous n’avons aucun plan d’attaque, nous nous jetons toujours sur leur territoire, comme vous avez pu le remarquer. L’Ordre va agir, patrouiller, veiller à ce que rien n’arrive. Et comme je l’ai dit tout à l’heure, nous avons besoin de vous, parce que si l’Ordre est à l’extérieur, il ne peut être à l’intérieur de la pièce. Bien évidemment, il y aura nous, les professeurs. Mais en face ils utilisent les élèves, et je dis bien qu’ils les utilisent, comme des pions. »

C’est tellement bien avancé, si fin, si raffiné XD. Grace tint le silence un petit moment, avant de reprendre tout aussi calmement, comme si sa sœur ne venait pas de la mettre dans une rage des plus folles quelques minutes auparavant.

« Nous ne vous demandons pas de courir des risques. La seule chose que l’Ordre demande à l’Armée de Dumbledore, c’est de surveiller attentivement et étroitement les élèves que vous pourriez catégoriser de pro-mangemort. Dès que vous entendrez ou que vous remarquerez quelque chose de suspect, venez en parler à vos professeurs ou à un membre de l’Ordre présent dans la salle, je pense que vous n’aurez aucun mal à les reconnaître. Un détail, quelque chose d’insignifiant, tout est important. Ne prenez pas d’initiatives personnelles, ne risquez pas votre peau, juste venez nous prévenir immédiatement. »

Nouveau temps de silence, et Grace se tourna vers les profs pour si jamais l’un d’eux avait quelque chose à ajouter. Puis elle tourna la tête vers les élèves, les regarda personnellement, l’un après l’autre, toujours aussi faussement calme.

« Des questions ? »

Logan, mon poussin, dès ce soir je t’écris pour te raconter mes maheurs u.u

D’accord, Lily exagérait. D’accord, on sentait bien que sa colère était quelque peu excessive. Mais le fond était là, et l’ancienne préfète était heureuse d’avoir vu sa cousine soulever le problème, à savoir que l’Ordre semblait les considérer comme un joli panier de petits soldats…soldats, oui. Oui, ils étaient des soldats de l’Ordre et ils l’avaient choisi, bien sûr, il fallait une hiérarchie pour que tout marche.
Sauf que.
Sauf qu’ils en avaient tous pris plein la tronche au cours des derniers mois. Pris plein la figure et que, si ce n’était pas la faute de l’Ordre pour autant, une sourde rancœur grondait, celle de jeunes à qui on avait répété qu’ils seraient protégés, à qui on avait dit qu’ils seraient utiles. Et qui se retrouvaient simplement en première ligne comme chair à canon, pataugeant dans la haine, le sang, la mort parfois. Alors, oui, toute guerre comportait des risques, oui, ce qu’ils enduraient n’avait peut-être rien à voir avec ce que vivait l’Ordre au dehors mais tout de même. Eux aussi ils s’en étaient pris plein la tronche, et il était normal que les jeunes élevassent la voix, estimant inadmissible de s’en voir encore mettre plein la figure sans avoir d’autre choix que d’avancer. Se battre, souffrir, Lucy n’attendait que ça. Agir, aussi…certains de ces adultes, pleins de bonnes volontés, n’étaient pas au cœur du conflit. A Poudlard, les professeurs choisissaient leur camp, mais c’étaient les élèves qui se battaient, les élèves qui se mettaient en charpie et se montraient les crocs pour un oui, pour un non. Et où était l’Ordre ? Il était là, certes. Mais inutile. A côté de la plaque, parfois.
Oh, comment leur reprocher de n’avoir pas prévu le sale coup des Basilics ? Comment leur reprocher de n’avoir pas sauvé Piou et tant d’autres ? C’était impossible…ils avaient tout tentés. Comme ces élèves qu’ils voyaient, à cet instant précis, comme des mômes anarchiques. Ils avaient tout tenté…et ça n’avait pas changé grand-chose. Ce qu’ils voulaient éviter était advenu, le Poudlard qu’ils avaient cru préserver se déchirait entre deux camps. Et quand Lily partit, quelqu’un fit une allusion. Signala simplement que l’Ordre se délitait, que l’AD s’effaçait sous leurs yeux…et puis quoi encore ?
Et alternant les commentaires, ils faisaient passer Lily ou Alexia pour des anarchistes stupides, pour des gosses impulsives, pour des déserteuses. Lucy avait envie de se lever et de les engueuler, tous. De chaque côté, c’était tout le monde sur la forteresse et une mer d’huile bouillante entre deux. Ils ne voyaient deux camps que parce qu’ils voulaient les voir. A les entendre, Lily aurait choisi de les lâcher et de s’opposer à eux, ou de ne rien faire. Un sourire narquois étira, une seconde seulement, les lèvres de la Poufsouffle, qui se doutait bien que sa cousine ne resterait pas les bras croisés…et, certes, une armée c’est bien, mais la guérilla ? Ne ressentant pas comme Lily et Alexia suffisamment de rage pour partir en claquant la porte, Lucy demeurerait là, n’estimant pas nécessaire de se lever pour suivre sa cousine, comme un toutou bien dressé, mais elle n’avait nulle intention d’obéir à ce qu’elle jugerait non nécessaire, et devenir un mouton lobotomisé…très peu pour elle. Lucy contempla ses mains, jointes au-dessus de ses genoux ronds, songeuse. Elle resterait au sein de l’AD, se réservant le droit de gueuler haut et fort le jour où de l’indignation dépasserait sa timidité. En attendant, elle serait membre officielle de l’armée.
Mais pourquoi considérer, comme semblaient le dire les autres, Lily comme une adversaire ? Comme sa cousine allait cesser de se battre ou rejoindre les rangs des Basilics…comme si sa cousine les laissait là simplement parce qu’elle ne voulait plus se battre. Mais quelle connerie…quel intégrisme, aussi. Tout ça revenait à dire que, si on n’était pas de l’AD, on n’était pas opposé à Voldemort ? Ah, super. Alors, en fait, les Maraudeurs, c’était du vent ? N’empêche que eux, ils avaient recueilli des réponses, et si leur prudence leur avait permis de ne pas se faire pincer, les élèves les connaissaient et parlaient d’eux. Le pouvoir de la foule…jouer les marginaux, les justes, c’était bien beau, mais pour que l’AD gagne ou conserve de l’influence, il faudrait qu’on les connaisse ou du moins, que les élèves sachent que certaines personnes résistaient à leur manière. Et puisque l’AD ne désirait pas se montrer au grand jour…
Maraudeuse et membre de l’Armée, Lucy se sentait plus ou moins dans une situation promettant de devenir inconfortable. Jamais, jamais les membres de l’AD et ses chefs ne devraient savoir qu’elle était aussi de ces jeunes qui distribuaient les tracts, et ce pour deux raisons. Premièrement, elle ne voulait pas avoir à faire à leurs sermons, ni perdre l’avantage que sa position centrale lui conférait ; membre de l’AD et Maraudeuse, elle bénéficiait de deux sons de cloches différents, et les Maraudeurs ne cracheraient probablement pas sur un renseignement. De plus, si l’Ordre apprenait que des jeunes avaient décidé d’agir, pour eux-mêmes et en faisant un joli doigt d’honneur à l’organisation plus ou moins officielle, il tenterait de les briser…ou, pire encore, de les intégrer à l’Ordre. Tout se passait comme si dans la tête de l’association et de ses membres, il était impensable qu’on puisse lutter sans faire partie d’un des deux grands pôles de cette guerre, Ordre, Mangemorts. Non, il était hors de question que l’Ordre mette son nez dans les affaires des Maraudeurs ; qu’une faction demeurât indépendante par rapport à la masse de ces combattants était une bonne chose, et leur garantissait une certaine liberté d’action.
Et pourtant…ils n’étaient pas ennemis. Lucy levait les yeux au ciel en entendant les autres déblatérer vainement sur « à qui qu’c’est la faute », ou bien « c’est vous les vilains ». Sérieusement, quelles andouilles finies…oui, Lily était excessive, et c’était pas nouveau. Non, Lucy ne les suivrait pas. Elle n’en ressentait pas le besoin et n’avait pas envie de jouer au brave toutou. Mais non, elle ne désapprouvait pas comme certains…quand comprendraient-ils que tous, Ordre ou pas, se battaient pour une même cause ?

I know it's been, such a long time since we've just been friends, not soldiers on the front line of a war that we were born into... ♪

La différence entre les gentils et les méchants, c'est que les méchants sont méchants, et poursuivent le même but de pouvoir, peu importe les moyens. Le problème des gentils, c'est que leur gentillesse n'est pas la même partout. Les gentils font très attention à leur conscience, et pensent beaucoup. Beaucoup trop en fait. Les méchants, ils sont méchants et font le mal. C'est presque trop facile. Les gentils, ils ont des états d'âme, ils se posent des questions sur la nature du bien, alors que le méchant n'en a rien à foutre. Et puis, les gentils, s'ils poursuivent "le bon idéal", sont souvent très organisés. Dans les livres ou les films, ça marche bien, et même avec une organisation chaotique, ils triomphent. Dans la vraie vie, les gentils sont sympas, jusqu'au moment où quelqu'un soulève un problème, se révolte, se barre, joue au qui m'aime me suive, et finit par complètement faire disparaître la cohésion fragile du groupe. Et ça, c'est pas cool. Pas cool du tout, vu que ça mettait un bazar monstre chez les gentils, qui finissaient par tous se faire buter. Fin de l'histoire. C'était pas trop joyeux, ça va ?
Bon, certes on en était pas encore là, mais bon. Ça commençait à bien merder quand même. Lily, Andras et Alexia venaient de s'en aller. Ted le gentil, Ted le sympa avait fait monter le ton, Grace se montrait plutôt agressive, Victoire y allait aussi de son petit mot. Il y avait ceux qui exprimaient leur soutien à l'Armée de Dumbeldore... Lysander, lui se taisait. Il n'avait pas grand chose à dire. Comme s'il ne se sentait pas tellement concerné par ce débat. Théoriquement, il aurait du choisir un camp. S'en aller ou rester. En fait, il faisait partie de ceux qui restaient. Mais surtout parce qu'il ne voyait pas d'utilité à s'en aller. Déjà, il avait la flemme de se lever. Et puis il ne s'était pas déplacé cette nuit jusqu'ici pour rien. Certes, ils étaient un peu des pions. Mais Grace ou Ted recevaient eux aussi des ordres. Ellundrill était morte. Personne ne l'avait sauvée. Cette tragédie était totalement injuste. Elle n'avait pas à mourir. Elle était si jeune, et en rien une personne à abattre. Comme tout le monde. Personne ne méritait ça. Ne devaient-ils pas justement se battre pour ça ? Pour éviter qu'une nouvelle catastrophe ne se produise ? Tenter d'anticiper les choses pour mieux les affronter, tous ensemble ? Ç'aurait été l'idéal. Sauf que voilà ils n'avaient que très peu de renseignements. Ils savaient qu'il allait se passer un truc pendant Halloween. Dans les catacombes de Londres. Mais sous quelle forme ? Ils n'en savaient rien. En gros, ça allait être surprise, surprise. La grosse fête, une bonne marrade. Cool, joli programme. Sans vouloir être pessimiste, Lysander ne s'imaginait rien de bien du tout. Ça allait mal finir, Ordre du Phénix ou pas, AD ou pas. Les Mangemorts avaient toujours une longueur d'avance.

Des questions ? Oui des questions, ils avaient beaucoup à s'en poser. Mais bizarrmenent, aucune question qui naissait dans l'esprit de Lysander n'était pertinente. Tout semblait futile. Peut-être qu'il était trop fatigué pour pouvoir réfléchir correctement. Ou peut-être que l'idée de la menace l'empêchait de penser correctement. Il n'arrivait pas trouver quelque chose à dire. À trouver des mots pour s'exprimer. Comme si d'un coup, une étrange atmosphère de solitude venait de tomber sur la Salle sur Demande. Comme s'ils étaient seuls. Si petits face à une grande menace. Désorganisés, leurs chances de pouvoir risposter étaient minces. Prévenir de détails, ce n'était pas un plan. C'était juste un moyen d'essayer de rattraper le retard qu'ils avaient sur le camp opposé.
Il aurait bien voulu demander s'il n'y avait pas moyen de ne pas aller dans ce piège, de faire une diversion ailleurs. Mais parfois, il faut savoir prendre des risques. C'est comme sauter en parachute sans parachute, puis attendre d'ouvrir ses ailes. Sauf que parfois, elles ne s'ouvrent pas. Et on s'écrase.

Une question : on peut aller se coucher pour cauchemarder sur l'avenir de Poudlard ? Ou alors on reste là à discuter sur... sur rien du tout. Ils n'avaient même pas de détails de plan à discuter. Tout simplement parce qu'ils n'avaient pas de plan. Bon eh bien, c'était une soirée fort utile, mais qui, d'après l'avis du dragon, ne méritait pas de se prolonger. À vous les studios, moi j'ai coupé mon micro, je n'interviens plus dans vos discussions.

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