Insomnie, quand tu nous tiens...

Recroquevillée sur le rebord de la fenêtre du dortoir, Elena regardait avec un air émerveillé le parc du château se couvrir peu à peu d'un épais manteau blanc. Bien sur, ce n'était pas la première fois de l'hiver que de gros flocons s'écrasaient ainsi sur le sol britannique, mais cela restait assurément un beau spectacle. Bien plus beau que le plafond nu de son lit à baldaquins en tout cas... Balançant ses pieds découverts dans le vide à un rythme régulier, la jeune fille se réjouissait que la nuit soit si agréable à observer pour tromper son ennui.

Elle avait pourtant essayé de se laisser glisser aux pays des songes, vraiment. Mais rien n'y avait fait, ces tentatives avaient toutes échoué lamentablement les unes après les autres. Pour un peu, elle aurait parlé d'un cercle vicieux. Plus grands avaient été ces efforts pour se détendre et se vider la tête, plus grand avait été le nombre de pensées parasites et de personnes qui avaient sournoisement assailli son cerveau. Maman, Nanaly, Derek, le devoir de potions, Lys, Nephtys... même cet espèce de crapaud d'ex-Inquisitrice lui était venu quelques minutes à l'esprit, c'est dire! Le tic-tac de l'horloge murale résonnant contre les murs couverts de posters n'avait pas manqué de lui signalé que le temps continuait sa course effrénée pendant que ses pensées divaguaient... Néanmoins, la brune avait été surprise de constater qu'il était déjà près de deux heures et demie du matin lorsqu'elle s'était avouée vaincue et avait décidé de se relever et de s'installer à côté de la fenêtre.

Peut-être qu'elle allait passer une nuit blanche dans cette position finalement. Ce n'était pas si mal, en y réfléchissant c'était même une attitude plutôt confortable. Elena se recula davantage contre le mur et attira une couverture molletonnée aux couleurs de sa maison sur ses genoux pour se réchauffer. Voilà, là c'était parfait. Elle appuya sa joue contre la vitre glacée, ne se lassant pas de la vision de l'extérieur du château. Dire qu'elle était la première et sans doute là seule à voir cette quantité de poudreuse s'amasser peu à peu!

Un grognement mécontent sur sa gauche la fit sursauter et tourner la tête. Pour un peu, elle aurait oublié qu'elle n'était pas seule dans la pièce. Pas très malin comme réaction mais bon, personne n'est parfait hein? Elle chercha l'origine du son et la trouva rapidement en la personne de Lucy Robinson. Sans doute avait-elle bouger le rideau en se créant son petit nid près de la vitre... Quoi qu'il en soit, un rayon de lune éclairait désormais une bonne partie de la chambre dont le visage de son amie, qui n'avait pas l'air de beaucoup apprécier ce traitement. Arg, zut. Si elle n'arrivait pas à dormir, elle n'allait pas pour autant gâcher le sommeil des autres.

Une idée lumineuse traversa soudainement l'esprit de la jeune fille lorsqu'elle s'écarta du rideau pour lui permettre de retomber normalement. Personne, même les professeurs, n'étaient encore debout à une heure pareille. Elle avait le château et ses environs rien que pour elle, pour elle toute seule! Hors de question de ne pas sauter sur l'occasion. Elena attrapa un jean, son pull gris fétiche et une bonne paire de chaussure et se dépêcha de s'habiller silencieusement. Une fois cette étape franchie, elle attrapa sa baguette et se précipita dans les couloirs, une expression quasi euphorique sur le visage. Que c'était bon de pouvoir se balader ainsi sans la moindre crainte d'être attrapé!

Bien rapidement, la jeune fille se trouva dehors sous la neige et avança sans vraiment regarder où elle allait. Tout ce qui l'intéressait, c'était le bruit de ses pas. Ils lui semblaient totalement étouffé par l'épaisse couche de poudreuse sous ses baskets. Il n'y avait rien, aucun son, comme dans le dortoir... Tout Poudlard dormait et elle, elle était libre de faire ce qu'elle voulait. Elle leva la tête, étendit les bras et semblable à une enfant, elle tenta de gouter les flocons glacés qui tombaient des cieux. Ils étaient froids. Mais bons. Peut-être avaient-ils le goût de la liberté songea-t-elle...

Sans se douter qu'elle n'était pas seule.

[J'ai parlé de "premières neiges"? Ou ça ?]


Elle n'avait pas vraiment réfléchi à l'endroit où elle souhaitait se rendre. Le parc, les limites de la forêt, le terrain de Quidditch, les bords du lac... Au fond, tant qu'elle était à l'extérieur, cela n'avait aucune importance songea-t-elle en refermant silencieusement la porte du dortoir.
Ses pas résonnèrent légèrement contre les murs de pierre tandis qu'elle descendait à son aise dans les étages inférieurs sans qu'aucun individu, mort ou vivant, ne puisse seulement l'apercevoir dans l'obscurité ambiante. Elle était seule, invisible. Une ombre inexistante et indissociable du reste de Poudlard se mouvant avec la grâce d'un félin. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait libre d'agir comme elle le souhaitait, libre d'aller ou elle voulait. Libre, dans le sens le plus entier du mot.

Un sourire sincère, le premier depuis plusieurs semaines, apparut sur son visage lorsqu'une brise fraîche lui signifia qu'elle était arrivée à destination. La nuit lui tendait les bras. Et au milieu de cette nuit silencieuse, il y avait la neige. Cette neige qui tombait du ciel à un rythme soutenu et recouvraient le sol d'une couche molletonnée, cette neige qui se perdait désormais dans la masse de ses cheveux, mourraient sur ses lèvres alors qu'elle étendait les bras vers le ciel et fermaient les yeux. Comme une enfant qui la découvre pour la première fois, elle entrouvrit la bouche et la gouta du bout de la langue, une expression béate collée aux lèvres.

Personne pour la regarder, personne pour la juger dans l'immense étendue environnante malgré son comportement plus qu'étrange de la part d'une sixième année d'ordinaire si... ordinaire, justement. Mais il n'y avait qu'elle, seule dans son monde. En cette nuit de mars, elle était entièrement détendue. Au point de se demader: Etait-ce vraiment si simple de trouver la paix intérieure, d'effacer d'un coup les tensions et frustrations quotidiennes?
Elle aurait aimé rester dans cette posture enfantine une partie de la nuit à profiter de sa solitude retrouvée. Mais quelque chose, quelqu'un en décida autrement.

« Tu n’as pas assez mangé au diner ? »

Le charme était rompu. Perdue dans ses pensées, Elena ne s'était pas attendue à entendre quelqu'un lui parler en cet instant. Aussitôt, son expression joyeuse disparut et laissa place à ses réflexes les plus primaires. Elle ne chercha pas à comprendre le sens des paroles ou la manière dont elles venaient d'être prononcées. Non, tout ce à quoi elle songea, c'est la présence d'un inconnu derrière elle. En pleine nuit. Alors qu'elle était -soi-disant- seule. Et sa réaction fut automatique. Elle dégagea d'un geste brusque sa baguette et la pointa en se retournant sur la poitrine de son futur assaillant présumé en hurlant:

" Expelliarmus!"

Sous l'impact du sortilège, la silhouette fut soulevée du sol et atterrit dans la poudreuse un peu plus loin. Elena fixa cette ombre humaine qui contrastait étrangement avec la blancheur du tapis neigeux quelques secondes, le coeur battant, puis se rendant comte de ce qu'elle venait de de faire, elle se décida à l'approcher. Faites que ce ne soit pas un prof, faites que ce ne soit pas un prof... La prière silencieuse résonna en boucle dans son esprit. Si elle avait "agressé" un professeur, elle allait le sentir passer. Et finalement, elle reconnut la silhouette masculine. Pas un prof, non, mais Dante Stark. Le Français. Et accessoirement, son nouveau partenaire en potions. Et merde.

"Excuse moi, je ne voulais pas te... Bref, tu m'as surprise, c'était un réflexe. Désolée. Je ne t'ai pas fait mal au moins? " lui demanda-t-elle en s'acroupissant à ses côtés.

Elena, ou comment débuter une bonne et saine relation avec son partenaire de cours en 10 leçons.