Swan se pencha doucement vers la cage en verre solide et renforcée de sortilèges. En temps que professeur de soins aux créatures magiques, elle en avait bien entendu dans son bureau. Ce n'était d'ailleurs pas le genre de bureau dans lequel ses collègues aimaient se rendre. En général, ils la convoquaient plutôt que de venir la voir. Ça la gênait pas. Ainsi, ce lieu restait le sien, et elle s'y sentait bien. En paix, avec son chaton du nom de Ceylan. Blotti contre ses pieds, il regardait attentivement l'espèce de gros homard dans la cage en verre, que sa petite maitresse nourrissait avec soin. Cette bestiole était un Malagrif tacheté. Un truc sympa, pas trop dur à prononcer. Pas super agressif, mais à la chaire vénéneuse pour l'Homme. Et à la morsure embêtante. Mais Swan ne se faisait pas de soucis. Elle avait l'habitude de ce petit farceur. Elle ne lui avait pas donné de nom. Elle en donnait rarement, sauf aux animaux de qui elle se sentait le plus proche. Mais ce Malagrif là avait déjà essayé de lui attraper les doigts plusieurs fois. Elle n'avait plus qu'à faire attention, et à éviter de l'énerver. Faire des gestes doux. Soudain, la jeune femme se mit à se sentir nauséeuse. Elle recula le bras, le ramenant au bord de la cage en verre et posa une main contre sa poitrine en fermant les yeux. Ceylan leva ses prunelles vertes vers elle, intrigué. Il poussa légèrement contre sa cheville. La jeune enseignante rouvrit doucement les paupières et baissa les yeux vers lui, le gratifiant d'une caresse pour le rassurer. Ces nausées la reprenaient de plus en plus régulièrement. Elle commençait à en avoir marre. A se demander ce qui pouvait bien aller si mal en elle. Son hypothèse principale était qu'elle se rendait malade de la mort d'Erik. Ça ne faisait même pas encore un mois. L'absence de son mari lui était insupportable. Mais pire que cela. L'idée que plus jamais elle ne le reverrait la hantait. À nouveau, elle sentit la nausée l'envahir, tandis que ses yeux s'embuaient de larmes. Arriverait-elle un jour à l'oublier ? La plaie était béante. Encore bien trop ouverte. Elle s'était jetée dans la gueule du loup en venant à Poudlard. Elle ignorait si les élèves étaient au courant du décès de son époux. Elle ne pensait pas. Mais certaines mauvaises langues devaient être au courant. Et si dans un accès de colère contre elle, la méchanceté surgissait, Swan ignorait éperdument comment elle réagirait. Sur le coup elle avait cru que se rapprocher de Meghan, Dan, Ted et Victoire était réellement une bonne chose. Mais avec le recul, elle était bien plus vulnérable ici que chez elle à dépérir. Qui garantissait qu'elle n'allait pas se mettre à fondre en larmes devant toute sa classe un jour qu'elle serait particulièrement instable ? Personne. Se ressaisissant légèrement, elle convint que malgré le risque et sa faiblesse morale, mieux valait être ici, avec ses proches et être active, plutôt que de se laisser mourir de chagrin dans son canapé. C'était si difficile à dire mais, la vie devait continuer.

Une vive douleur la rappela à la réalité. Immédiatement, et avec un petit cri de surprise, elle ôta sa main de la cage en verre. Trop tard. Le Malagrif l'avait mordue. Et puis correctement. Il avait agrippé la main par l'extérieur, et avait réussi à planter ses dents jusqu'au milieu de la paume. Une belle trace de mâchoire. Vivement, de sa main valide, Swan referma la cage en verre. Saloperie de bestiole. Les larmes avaient cependant cessées de couler. La douleur ne les ravivait même pas. Elle ne criait pas. Ne pleurait pas. Elle avait juste mal. Mais une douleur physique faisait penser à autre chose. Et en l'occurrence, supprimait en partie une douleur morale, même si ce n'était que temporaire. Et là, elle en avait besoin. Même si sa blessure n'était absolument pas volontaire. Attrapant un chiffon, la jeune femme y enroula vivement sa main, grimaçant sous le coup de la douleur lorsque le tissu appuyait trop sur la plaie sanglante. Et c'était parti pour une semaine de malheur. Voilà pourquoi elle détestait se faire mordre par ce genre de machins. Elle avait été totalement imprudente. Perdue dans ses pensées. Voilà à quoi ça la menait. Rageusement, elle s'assit sur sa chaise de bureau, posant ses coudes sur la surface plane, prenant sa tête dans ses mains. Elle en avait marre. Comme si cela ne lui suffisait pas d'être malheureuse, il fallait qu'elle soit malchanceuse à cause d'une inattention ? Franchement, ça commençait à bien faire. Un gros ras le bol qu'elle avait la miss, là. Son envie de vomir la reprit. Et là, ce fut le pompon. De levant brusquement, elle sortit de son bureau, ne prêtant qu'à peine attention à Ceylan qui s'en échappait aussi en se faufilant entre ses pattes. Elle ferma la porte à clé d'un coup de baguette. Le comble, c'était que cette bestiole lui avait bouffé la main droite. Et qu'elle était droitière. Hallelujah. Mais Victoire saurait quoi faire. Oui, elle saurait. Elle était infirmière de Poudlard, après tout.

Dans les couloirs, la jeune femme ne croisa pas grand monde. Quelques élèves. Certains la saluèrent d'un signe de tête. Quelques uns remarquèrent sa main dans le bandage de fortune déjà un peu rouge, mais ne relevèrent pas. Ils la laissaient avec ses affaires. Ils avaient raison. Ceylan la suivait fidèlement sans qu'elle ne lui demande rien. Il trottinait derrière elle avec gaité. Chouette, une balade. Swan passa la porte de l'infirmerie. La pièce était baignée par la lumière sereine du soleil de fin d'après midi. Et même si c'était un lieu pour les blessés, la jeune enseignante comprenait que Victoire s'y sente bien et considère cet endroit comme sa deuxième maison. Swan entrevit par une fente entre deux rideaux un élève allongé sur un lit, et ne put s'empêcher de se demander ce qu'il avait. Elle reporta son attention sur le reste de l'infirmerie. Plutôt calme aujourd'hui. Une élève au teint pâle ressortit, croisant Swan en chemin. Elle avait l'air malade. Victoire venait sûrement de lui administrer un médicament... Cherchant son amie du regard, la jeune femme ne la vit pas tout de suite.

 « Victoire ? » appela-t-elle d'une voix douce.

Bah, elle n'allait pas crier le prénom de l'infirmière que tout le monde appelait par son nom, quand même. Attendant une réponse, Swan se tourna de nouveau vers le lit encadré de rideau, le cœur pincé pour ce pauvre étudiant. Elle aperçut Ceylan à ses pieds. D'un geste furtif, elle essaya de le chasser.

« File! Tu n'as rien à faire dans l'infirmerie! Même si tu es propre, je ne suis pas sûre que Vic' tolère la présence des bêtes poilues en ton genre, aussi mignonnes soient-elles! »