La soirée commençait bien pour le jeune homme qui s'enfonçait dans les rues de Londres avec une démarche de conquérant. Le dos droit, les cheveux correctement coupés et arrangé avec élégance, rasé aussi près que la magie le permettait, parfum assez classique mais adapté à l'ensemble, sur un jeu de blanc et de gris. Oui, Félix transpirait l'élégance à dix mètres et ça se sentait. Cela faisait très british de voir le jeune homme déambuler ainsi dans les rues du Londres moldu. Encore plus british que les britannique, le jeune homme allait bon train vers une enseigne sobre mais cependant huppée. Le cuisinier en chef étant un sorcier, sa réputation avait également baigné la population sorcière aisée. Et il ne faisait pas de la tambouille pour le Chaudron Baveur, lui. Le Poulpe Rieur était un établissement dont la renommé n'était plus à refaire. Et dans ce restaurant, Félix avait invité la fille qu'il convoitait.

Les prix de la carte, chers aux yeux de celui qui invite. Les plats, d'un luxe parfois exotique. L'ambiance, chargée par un homme aux cheveux platines grattant une guitare avec une voix assez particulière. C'était dans ce cadre que Félix voulait l'introduire. Un peu pour lui en mettre plein les mirettes, mais aussi pour faire preuve de bonne foi. C'était vrai que de dire que le jeune homme désirait avant tout exhiber sa fortune personnelle, mais pas à ce point, à vrai dire. L'instant était solennel. La première fois qu'il la revoyait depuis leur départ de Poudlard. Un grand moment, à partager à deux, dans un grand restaurant, avec un bon vin de Crimée et une ambiance romantique ? Pas vraiment. Le jeune homme voulait faire bonne amende devant elle. C'était un souhait d'autant plus important qu'il n'avait pas montré le visage le plus attirant à la jeune rousse. Oui, il était passé pour un égoïste prétentieux, imbu de lui-même. Oui, mais c'était faux. Il n'était comme "ça" que quand les autres le cherchaient. Après tout, il n'aimait pas non plus se balader avec de l'hermine tachetée dans les couloirs de son ancienne école. Juste que les (nombreux) imbéciles qui le cherchaient avaient réussi leur but, à savoir l'énerver. Il avait dit oui à n'importe quel défi qui lui été lancé quand on touchait à sa fierté. Hé, on ne salissait pas le nom des Krums impunément, n'est-ce pas ?

Une fois arrivé devant le restaurant, le jeune homme s'adossa contre le mur, regarda sa montre à 4 aiguilles et détourna son regard sur la rue. Il attendait, maintenant. Elle avait écrit qu'elle serait là, il n'avait donc aucune raison de ne pas l'attendre. Le temps était encore avec lui, aussi n'était-ce pas désagréable. Et puis la patience était dans la fibre des grands gentlemen, non ?
Tout adossé qu'il était, Félix ressongea à la lettre qu'il avait envoyé. C'était peut-être un peu fort, que d'envoyer une lettre sur un tel papier. C'était de l'exposition de facilités économiques, en vérité. D'un autre coté, le jeune homme aurait écrit ses mots en or fondu si cela avait pu lui donner un peu plus de crédit aux yeux de son invitée. Mais son or ne l'intéressait pas. En fait, elle ne lui avait pas vraiment témoigné plus d’intérêt qu'au calmar du Lac. Alors pourquoi s'enquiquinait-il à l'inviter dans son territoire plein de strass ? Quel était le monstrueux motif qui poussait ce vil individu machiavélique à désirer que la jeune biche rousse aille se désaltérer devant ses yeux ?

A la base... Un pari. C'est con les jeunes. C'était on-ne-savait-qui qui avait lancé au jeune homme l'idée brillante d'aller lever la jupe de la damoiselle. Et puisque le jeune Krum ne se laisse jamais surnommé de « pédale » sans tiquer, il était parti dans cette optique. Fin sixième année. Sauf que la jeune Weasley était une vivace et ne s'était pas laissé approcher ! La réputation de Félix le précédant toujours, il était difficile pour lui de changer sa première impression. Surtout qu'il avait grandi devant les yeux de la rouquine, qu'il avait rencontré pour la première fois à l'âge tendre de 5 ans. S'ils s'étaient assez bien entendu sur le coup, le ton était peu à peu monté quand le bambin refusait de bloc à prêter le moindre de ses balais-jouets.
Et depuis tout ce temps, la mayonnaise n'était toujours pas monté entre eux. Il avait peu à peu montré un visage qui ne donnait que de l'antipathie à la jeune fille.

Et des années plus tard, on était pieds sur le bord d'un canyon. Les deux jeunes adultes n'avaient plus rien en commun. Si l'engagement « politique » de la miss n'était pas trop étranger à Félix, celui-ci n'avait cependant pas choisis de « camp ». S'engager dans le conflit qui bousillait toute l'ambiance n'était pas vraiment quelque chose qu'il désirait faire. Trop risqué et en conflit avec ses projets professionnels. Être un professionnel de Quidditch, ça signifiait aussi éviter d'avoir des ennuis avec les instances dirigeantes. Le poids du gouv' était pas non plus insignifiant et se rallier publiquement à la grande cause humaniste sirupeuse n'était pas à son goût. Donc il se conservait pour sa grande cause personnelle, le Quidditch. Et s'il ne trouvait de preneur dans l'archipel, la Bulgarie serait tout aussi heureuse de voir le fils du prodige suivre le sillage de la légende, hein ?

Quoiqu'il en soit, cela faisait dix bonnes minutes que le jeune homme était perdu dans ses pensées nébuleuses, dos au mur, attendant encore et toujours Rose. Bon,il avait quinze minutes d'avance. Pour lui, ce rendez-vous était davantage une tentative de réconciliation qu'une vaine tentative de la mettre dans son lit. Son appartement était en bordel, le lit défait, une cravate jonchant le sol poussiéreux de la chambre. Et devait y avoir du rouge-à-lèvre sur l’oreiller. La classe, les enfants.

Que Félix ne s'y trompe pas, si Rose allait à ce foutu rendez-vous, ce n'était absolument pas parce qu'elle était prête à succomber au charme du jeune homme, non pas du tout. Simplement, elle aimait les défis et avait apprécié le cran du jeune homme -si on peut appeler le fait d'envoyer une lettre à une jeune femme du cran, mais passons- c'était pour cette raison qu'elle était là. Et un peu pour s'amuser, bien sur.

Il fallait comprendre ma Rosie, en fait. Elle avait vécu une folle passion avec un autre Gyffondor, l'année précédente. Arès O'Connell restera pour toujours un des meilleurs moments de sa vie. Ils se comprenaient instinctivement. C'était fabuleux. Mais Arès avait décidé de partir, la laissant seule, désemparée, sans aucun bras pour se réchauffer. Cela l'avait d'ailleurs mené dans une situation quelque peu compromettante. Rosie s'était trouvée face à face avec un membre de l'Ordre du Phénix, Logan Cooper, en petite tenue. Heureusement, Logan n'avait que des attentions très honorables, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas de tous les jeunes hommes qu'elle connaissait.

Toujours était-il que la demoiselle avait rendez-vous avec Félix Krum, ce qui paraissait fou quand on savait ce que la jeune femme pensait de lui. C'était sincèrement difficile pour elle de voir en lui autre chose qu'un coq arrogant. Mais elle avait décidé d'accepter tout de même, sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que Le Poulpe rieur était un établissement réellement sympathique et que donc on ne pouvait refuser lorsqu'on y était invité ?.

Rose avait été un peu impressionnée d'être invitée dans cet endroit où les plats étaient si chers. Ce n'était pas que Miss Weasley n'avait absolument pas un rond mais avec des amis, elle allait plus dans des petites brasseries sorcières que dans de grands restaurants. Malgré tout, elle savait profiter d'une occasion lorsqu'elle en voyait une. Rosie n'était pas une profiteuse, de plus, avec son petit côté féministe, elle proposerait certainement au moment voulu à Félix de payer sa part. Mais on n'en était pas encore là. A vrai dire, nous sommes encore aux préparatifs de la demoiselle qui n'a pas encore quitté la demeure familiale.

Dans sa chambre, sur une petite table basse qui servait de table de nuit trônait les chocolats blancs que lui avait envoyé le jeune homme au moment de lui écrire. Elle avait revêtu une petite robe blanche, qui allait parfaitement bien avec ses cheveux roux. C'était une tenue assez confortable, élégante. Un côté un peu rétro habillait la robe grâce à une chaîne dorée sur laquelle était pendue une goutte d'eau magnifique. Elle avait enfilé des chaussures à talons compensés et jetait une cape sur ses épaules, afin de ne pas prendre froid, même si on était encore qu'en septembre. Un coup de blush, un peu de gloss et roule ma poule jusqu'au centre de Londres.

Rose avait transplané dans la rue du restaurant 1 ou 2 minutes avant l'heure dite et aperçut alors rapidement Félix appuyé contre le mur. Rosie esquissa un sourire et s'approcha du jeune homme de son pas calme et posé. Son petit sac qu'elle portait en bandoulière suivait le rythme de sa marche. Elle était maintenant à côté de lui et lâcha en guise de bonjour:

-Je me demandais si ta lettre était une blague à elle toute seule … Il semble que non.
Elle lui décocha un regard assez peu amène, il fallait l'avouer, mais avec Rose, cela ne durait pas plus d'une demi-seconde car très vite son regard retrouva sa bonne humeur et sa gentillesse habituelle. Ce n'était pas le genre de Rose de s'énerver … Ah on me glisse dans l'oreillette qu'en fait elle sait très bien piquer des câbles si nécessaire ? Bon tant pis … C'est donc le genre de Rose de piquer une crise lorsqu'on dépasse les bornes selon elle. Mais ce soir-là, elle n'aurait aucune raison de piquer une crise de nerf, n'est-ce- pas ?

-C'est donc ici Le Poulpe Rieur ? Je n'y ai jamais mangé … Du coup, forcément, je n'ai pas résisté à ton invitation.
Elle lui fit un léger clin d'oeil. Pas trop non plus, elle tenait à garder ses distances, fut-ce avec celui qui l'avait invité. Connaissant Rose, cela ne durerait certainement pas très longtemps: elle avait tendance à vite se détendre, pas assez méfiante, peut-être ? C'est ce que l'avenir lui dira.